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Congrès de Médecine Palliative et d'Accompagnement - Bénin octobre 2022

Communication de M. Jean-Louis CHELLE : Fédération ALLIANCE, ALLIANCE 33, ADESPA

« Savoir aimer, être aimé »
Ce n’est pas moi qui vais vous apprendre à aimer ni même ce que peut être l’amour.  Vous êtes sans doute autant et peut-être plus à même que moi pour y répondre. 
Je vous propose simplement de réfléchir à ce que cela peut signifier pour nous bénévoles accompagnants et pour tous ceux qui sont amenés à rencontrer des personnes en fin de vie, qui elles ont un besoin encore plus pressant d’aimer et d’être aimé

Drôle de verbe que celui « d’aimer » qui a la fois nous permet de dire : « j’aime cette soupe » et dans le même temps « j’aime ma femme ». 

Le poète Jean Cocteau disait d’ailleurs avec malice « le verbe aimé est bien difficile à conjuguer. Son passé n’est pas simple, son présent n’est qu’indicatif, et son futur est toujours conditionnel ».
 
Quoi qu’il en soit « aimer » est l’un des besoins fondamentaux de notre vie comme peut l'être la dimension spirituelle ou existentielle c’est à dire le pourquoi et le comment de notre existence . 
Du matin où nous nous levons, au soir où nous nous couchons, il n’est question que d’amour : que ce soit positivement ou négativement l’amour reste au centre.
 
J’ai envie de donner de l’amour, j’ai envie de sentir ce sentiment en moi, de le partager. 
Aujourd’hui j’ai envie que vous m’aimiez, j’ai envie que ce que je vous dis vous intéresse, j’ai envie de contempler un paysage qui m’apaise et me rend heureux. 
Nous avons tous besoin de reconnaissance y compris dans notre travail. 
Notre attente est infinie.
A contrario, j’ai été mal compris aujourd’hui, je n’ai pas réussi me sentir en phase avec ma femme. Tout a été gris, je ressens même de la haine pour quelqu’un.
 
La personne en fin de vie reste comme nous, mais d’une façon plus intense, plus urgente avec des moyens physiques ou intellectuels quelquefois altérés .
Alors pour se préparer à s’ouvrir à l’autre et savoir l’accueillir, ne faut-il pas savoir en nous-mêmes ce que peut vouloir dire « aimer » ? 
Il y a une infinité de types d’amour.  
- L’amour captatif prend pour soi. Chez un adulte on va parler d’immaturité affective due souvent à des barrages ou des frustrations passées. Chez un enfant ce type d’amour se révèle au contraire plus positif et bénéfique car il lui permet de grandir. 
- L’amour oblatif : évoque celui des laïcs qui s’agrégeaient à une communauté religieuse en faisant don de tous leurs biens sans retour, pas même celui d’être ordonné prêtre. Cet amour est un peu comme l’acte gratuit : nous pouvons y tendre mais sans jamais l’atteindre complètement. Mais il existe bien d’autres formes d’aimer.
Evoquons une palette d’amours : conjugal, sexuel, maternel, filial, fraternel, familial, amical …….
 
Quand  je vais auprès d’une personne malade, contrairement à ce que nous pourrions penser, ce que je reçois est infiniment supérieur à ce que j’ai pu donner. En vous disant ceci, je pense à cette dame qui souffrait d’une sclérose latérale amyotrophique ( pardonnez-moi si j’écorche le nom de cette maladie n’étant pas soignant ). Lorsque nous l’avons connue, elle était déjà tétraplégique et pourtant à notre première rencontre ses premiers mots ont été : « Ce que j’ai envie de partager avec vous aujourd’hui, c’est ma joie de vivre ! ». Qui avait reçu le plus d’amour ce jour-là ?!
 
L’amour humain du bénévole n’est pas un amour amical qui ne ferait qu’alourdir la séparation ( j’ajouterais un autre ami à quitter ). C’est une relation de service et non d’amitié. C’est l’acceptation inconditionnelle de l’autre, ce qui ne veut pas dire tout accepter de cette personne. Lorsque j’ai accompagné un homme qui avait tué un policier, ce n’est pas sa qualité de meurtrier, c’est sa qualité d’humain que j’ai retenue.
 
Cet amour se concrétise par une présence vraie, aimante et respectueuse en équipe. Ces mots sont magnifiques, des adjectifs clairs, simples, limpides, presque évidents, et pourtant si difficiles à vivre pleinement. 
- Aimer, c’est reconnaître la personne dans ce qu’elle a d’unique. C’est la respecter dans sa dignité, dans son intimité et dans sa part de mystère. 
 
C’est marcher à ses côtés en respectant son évolution et son rythme, en s’ajustant à ses besoins. C’est être avec elle au moment présent, sans projet, sans attente, dans une écoute bienveillante, verbale ou et non verbale, peut être en silence mais toujours en présence. C’est faire attention à son projet. C’est reconnaître à toute personne le droit d’exister quel que soit son état ou sa maladie . 
C’est un sentiment, un mouvement relationnel .
 
Pour moi aimer, c’est inverser la relation disait un bénévole.
« Je vais donner traduit l’appropriation, qu’est-ce que je vais recevoir c’est l’ouverture à l’autre ».
Tout le monde est dans le don, mais attention à l’autosatisfaction. Il en découle la nécessité d’apprendre à recevoir. 
L’amour c’est un réceptacle. C’est permettre à la personne accompagnée de reprendre la main sur sa vie. 
C’est aussi accepter de perdre une part de sa liberté, d'être dérangé, bousculé, accepter de ne pas se suffire à soi-même.
 
Aimer c’est se rendre compte que l’autre existe. C’est trouver sa juste place.
C’est une altérité : accompagner l’autre comme un autre moi-même, comme j’aimerais être accompagné.
C’est la rencontre de deux humanités.
Accompagner ? Encore faut-il aimer. Alors je voudrais vous offrir ces quelques mots que nous a laissé en héritage ce grand auteur sud-américain Gabriel Garcia Marquez.
« Le lendemain n’est assuré pour personne, jeune ou vieux. Aujourd’hui est peut-être la dernière fois que tu vois ceux que tu aimes. N’attends pas davantage, agis aujourd’hui parce que demain n’arrivera peut-être jamais et que sûrement tu regretteras le jour où tu n’as pas pris le temps d’un sourire, d’une étreinte , d’un baiser et où tu as été trop occupé pour lui adresser un ultime souhait ».
 

 

 

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