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Organisation des bénévoles - Comment s'y prendre - France

 

Texte de M. Jean-Louis CHELLE qui nous partage son expérience à propos du bénévolat d'accompagnement en France.

 

Bonjour, je m’appelle Jean-Louis Chelle et je suis bénévole accompagnant à l’unité de Soins Palliatifs de l’hôpital St-André au CHU de Bordeaux.

En préambule je voudrais faire quelques petites mises au point.
Je ne suis pas un « sachant « et ce n’est donc pas une communication magistrale que je voudrais vous proposer ce matin. Il s’agit tout simplement d’un témoignage sur la façon dont sont intégrés les bénévoles dits « accompagnants « dans la démarche globale des soins palliatifs et qui pourrait peut-être trouver un écho dans votre propre Société.
En France les acteurs des soins palliatifs se regroupent au sein d’une société savante, la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs, SFAP. Y sont représentés un certain nombre de collèges comme celui des médecins, des infirmier(e)s, des kinésithérapeutes …… et le collège des bénévoles.
Cette reconnaissance s’est par la suite considérablement élargie grâce à la loi de 1999 qui prévoit la présence de ces bénévoles accompagnants dans le dispositif des soins palliatifs.
« Toute personne a droit à recevoir des soins palliatifs et à un accompagnement ».

En fait il y a trois groupes d’accompagnants : le premier la famille, les amis, les proches que l’on pourrait appeler celui des aidants "naturels". Ils sont bien entendu d’une extrême importance et irremplaçables. Mais il peut arriver que la maladie du proche aimé provoque des tensions ou exacerbe des difficultés occultées jusque-là. De même, la famille bousculée par sa souffrance peut quelquefois se mettre en retrait.

Lors du Master de Soins Palliatifs infirmiers en début de semaine à Cotonou, il a été rapporté le cas d’une personne malade dont l’état de santé se détériorait chaque fois qu’il était envisagé un retour à domicile. Pour se rendre compte qu’en fait cette personne avait la hantise de se retrouver chez elle où sa famille la laissait la plupart du temps seule, vraisemblablement par peur.

Le deuxième groupe est le vôtre, celui des professionnels de santé, des "soignants". Lui aussi est essentiel voire capital parce que vous pénétrez l’intimité de la personne en fin de vie. Toucher le corps de quelqu’un n’est jamais anodin. Pour autant vous vous heurtez parfois à deux écueils bien malgré vous. Vous avez une blouse blanche ! Je veux dire par là que vous êtes des professionnels, et à ce titre un contrat tacite se noue entre vous et la personne malade.
« Toi professionnel, tu dois me guérir, et si tu ne le peux pas tu dois faire en sorte que je ne souffre pas... » Le deuxième écueil est celui du « temps » car le vôtre est un temps compté.

Le troisième groupe est celui des bénévoles qui ne font que prolonger l’humanité que vous avez engagée et qui n’ont d’autre qualité que celle de n’être ni de la famille ni des soignants. Le bénévole est quelqu’un d’autre qui ne remplace personne.
La personne malade qui reçoit un bénévole reçoit quelqu’un avec qui elle n’a aucun lien affectif, ce qui lui donne la possibilité, si elle en ressent le besoin, d’exprimer ce qu’elle n’oserait peut-être pas faire avec un proche pour ne pas le blesser, le choquer, voire même le décevoir. Elle pourra lui dire ses craintes et ses colères.
D’autre part cette personne malade n’est plus forcément la même que celle qu’elle était avant sa maladie.

Je me souviens de cette dame en rémission qui disait : « lors du diagnostic, je pensais qu’après mon traitement tout revendrait comme avant. Aujourd’hui, j’ai bien compté, j’ai le même nombre de bras et le même nombre de jambes, et pourtant rien n’est pareil. Mes valeurs ont changé, mes priorités ont changé, mon rapport au temps a changé. Avant je comptais en quantité, maintenant en qualité. C’est comme une autre vie ».
Or la famille a quelquefois du mal à percevoir et à comprendre ces changements, tant elle a peur du futur et reste désorientée.
Et puis nous sommes tous faits de mille facettes dont quelques-unes seulement sont perçues par la personne en face de nous. Alors que nous aimerions présenter un autre côté de notre personnalité !
J’ai par exemple demandé à une religieuse en fin de vie si sa foi l’aidait en ce moment. « Pas du tout », me dit-elle. A-t-elle pu le dire à ses proches ? je ne sais...

Le bénévole par sa présence peut permettre à une personne en fin de vie de se sentir rassurée. « Vous m’aider à comprendre », me dit un jour un monsieur que j’accompagnais. Il doit avant tout faire attention au projet de l’autre sans avoir de projet pour l’autre.
Il y a donc une multitude de possibilités qui dépendent de la volonté, des possibilités et des capacités de celui qui est malade. Une forme d’« intelligence du moment » est ainsi attendue de la part du bénévole. Ainsi je rencontrai une dame dépressive et refermée sur elle-même. Je me suis entendu dire, à ma grande surprise : « Madame x, vous n’allez pas me faire croire que personne ne vous a dit avant moi combien vous avez de si beaux yeux ! » Son éclat de rire a fait fondre instantanément la glace entre nous et nous a permis un échange certes grave mais serein. J’avais cette fois trouvé le mot ce qui n’est pas forcément toujours le cas !
En fait le bénévole n’a d’autre but que celui d’être « au service de... » Lequel ne se limite pas à la personne malade, et s’adresse également à la famille qui en a bien besoin devant cette immense difficulté que représente une future séparation. Par la suite il peut également s’étendre à une personne endeuillée.

Aujourd’hui nos accompagnements ont lieu pour 30% d’entre eux à domicile et 70 % en structures hospitalières. Comme vous le ressentez, je suppose, être bénévole accompagnant demande une grande ouverture et la seule bonne volonté ne suffit pas.
La loi d’ailleurs se montre très précise et oblige le bénévole postulant à adhérer à une association ayant signé une convention avec une institution hospitalière. C’est cette association qui a la charge de sa formation. A ce jour quelques 300 associations existent en France.

Celle à laquelle j’appartiens, la Fédération Alliance est présente dans une quinzaine de « lieux de vie » dans le sud-ouest de la France. Elle est active à domicile, dans une dizaine d’établissements hospitaliers avec soit une unité de soins palliatifs, soit des lits identifiés, ainsi que dans une cinquantaine d’EHPAD avec démarche palliative. Ce qui doit représenter environ 150 bénévoles.

La formation organisée par la Fédération n'est pas de type universitaire. Il n'est pas question d'apprendre un catalogue de choses à faire ou des recettes ou de techniques. Il s’agit essentiellement d’un questionnement sur soi partagé avec d’autres de thèmes qui interpellent, questionnent. Ils sont au nombre de seize d’une durée de 3 heures, soit 48 heures au total, répartis hebdomadairement sur 4 à 6 mois.
Ces thèmes sont dans le désordre et pas exhaustivement : ouverture, préjugés, équipe, moment de la mort, peurs et craintes face au mourir, musique et équilibre de sa vie, aimer, dimensions spirituelles, l’enfant et la mort, évaluation...Cette formation dénommée cycle de formation a pour but une meilleure connaissance de soi et de ses limites face au mourir. Avec humour je dirais qu’elle nous permet de prendre conscience que nous avons deux oreilles et une langue et que nous avons davantage intérêt à faire travailler nos oreilles. Elle favorise nos capacités d’adaptation, d’écoute, d’empathie, d’expression de nos sentiments, pour être plus proche de celui qui souffre, mais sans fusion, en respectant cette personne dans ses désirs et ses différences. Elle est complétée par une formation permanente et par la participation à un séminaire une fois par an.
A son issue il est procédé à une cooptation. Le bénévole nouvellement coopté fera ses premiers pas avec un « ancien » comme stage pratique.

Il faut noter également que chaque année doit avoir lieu une rencontre avec un référent pour s’assurer que ce bénévole continue à être en possibilité d’accompagner dans ce cadre. Une fois par mois a lieu également une réunion obligatoire où tous les bénévoles accompagnants sont conviés pour exprimer et partager leurs difficultés, leurs doutes et leurs vécus.

Je voudrais également spécifier que tout accompagnement se fait au nom d’une équipe et non en son nom personnel, notion essentielle. Enfin le bénévole est invité à limiter son temps d’accompagnement à 4 heures maximum par semaine, afin de prévenir l’épuisement, de conserver sa fraîcheur, son ouverture et d'éviter ainsi que son bénévolat ne lui prenne pas trop de place dans son quotidien, ni ne déborde sur sa sphère familiale.

Les bénévoles sont apolitiques et pluri confessionnels. Au fond « accompagner »,  c’est vraiment laisser tomber tout ce qui nous occupe pour donner son temps à l’autre. C’est comme une promenade avec un ami, marcher à son pas, proche mais sans gêner, se laisser conduire par lui, s’arrêter avec lui, pour rien, pour lui....

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